C'est en 1989 que l'indépendance du Conseil d'Etat est formellement consacrée dans la Constitution. Le texte relatif au Conseil d'Etat ayant figuré jusque-là dans la Constitution sous le chapitre relatif au Gouvernement, est déplacé dans un chapitre à part.
La réforme la plus incisive depuis sa création est apportée au Conseil d'Etat en 1996.
A la base de cette réforme se trouve l'arrêt Procola de la Cour européenne des droits de l'Homme du 28 septembre 1995.
Dans cette affaire ayant trait à des quotas laitiers, les juges de Strasbourg ont en effet estimé que la composition du Comité du contentieux du Conseil d'Etat ne remplissait pas l'exigence d'impartialité découlant de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. En effet, 4 conseillers d'Etat sur les 5 qui avaient siégé dans l'affaire Procola appliquaient un texte de loi au sujet duquel ils avaient déjà auparavant contribué à émettre un avis dans le cadre de la mission consultative du Conseil d'Etat. D'après la Cour européenne des droits de l'Homme, Procola a pu légitimement craindre que les membres du Comité du contentieux se sentent liés par l'avis donné précédemment. Ce simple doute suffisait à altérer l'impartialité du Comité du contentieux.
En retenant les propositions faites par le Conseil d'Etat dans son avis sur le projet de loi portant réforme du Conseil d'Etat, le Constituant lui enlève ainsi la fonction juridictionnelle à compter du 1er janvier 1997, en supprimant le Comité du contentieux, pour la confier à un tribunal administratif en première instance et à une cour administrative en appel.
Dans le train de cette réforme, les compétences du Conseil d'Etat en tant qu'organe consultatif ont été renforcées. Le législateur investit en effet le Conseil d'Etat de manière explicite d'une mission qu'il a assumée en fait dès sa création, c'est-à-dire du contrôle a priori de la conformité des projets de loi et de règlement par rapport à la Constitution, aux conventions et traités internationaux, ainsi qu'aux principes généraux du droit. Le contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois a, par la même occasion, été confié à une cour constitutionnelle.
Cette réforme profonde de 1996 a encore introduit deux nouveautés supplémentaires. Ainsi, la durée de la fonction de conseiller d'Etat est dorénavant limitée à 15 ans, non renouvelable, et le Conseil d'Etat peut se voir imposer un délai de trois mois pour émettre son avis dans le cadre de la procédure législative.
